Les attentats du 13 novembre 2015 n’avaient pas été perpétrés lorsque le Festival de Radio France Montpellier a choisi Ba-Ta-Clan, une innocente chinoiserie musicale d’Offenbach dont le succès, en 1855, fut tel qu’il devait baptiser la salle de concerts parisienne construite neuf ans plus tard. Mais il était impossible d’ignorer ce terrible événement : Ba-Ta-Clan a donc été dédié à toutes les victimes du terrorisme. D’un goût plutôt douteux, en revanche, le glissement sémantique qui insère l’ouvrage au sein de la thématique du festival Voyage d’Orient : la pochade exotique du XIXe siècle porte désormais le nom de la peur – « cet Orient qui menace ».
Mais revenons au pays de Ché-i-no-or et au palais de l’Empereur Fé-ni-han, que la sédition de son chef de la garde, Ko-ko-ri-ko, inquiète d’autant plus qu’il ne peut s’empêcher lui-même d’entonner son irrésistible chant des insurgés, l’Hymne du Ba-Ta-Clan. Une affaire suffisamment sérieuse pour que la princesse Fé-an-nich-ton et le mandarin Ké-ki-ka-ko songent à fuir le pays. Le spécialiste mondial d’Offenbach, Jean-Christophe Keck, qui a concocté cette réhabilitation, rappelle que Ba-Ta-Clan se répandit en Europe, générant même une version viennoise délocalisée au Japon et n’échoua qu’à Londres (l’Offenbaxit était né).
Pour cette version avec piano, le musicologue et chef d’orchestre s’est entouré d’Anne Pagès-Boisset et de quatre jeunes chanteurs français prometteurs – la soprano Stéphanie Varnerin, les ténors Rémy Mathieu et Enguerrand de Hys, la basse Jean-Gabriel Saint-Martin. Forme enlevée, formule spirituelle, cette partition peuplée d’onomatopées aussi burlesques que réjouissantes se dote d’un texte non moins cocasse, qui fustige le pouvoir et met le gouvernement et l’opposition dans le même sac. Nos quatre Chinois se révéleront bien sûr français – nobliau en délicatesse, chanteuse légère, provincial natif de Brive-la-Gaillarde, Parigot de la rue Mouffetard.
Aisance des interprètes
La satire politique brocarde bien sûr le Second Empire et Napoléon III, la musique parodiant à l’envi duos d’opéra italien alla Bellini ou Donizetti, et grand chœur d’opéra à la française. Galvanisé par le comique du propos et l’aisance des interprètes, la salle s’est unanimement ralliée à l’Hymne du Ba-Ta-Clan, lequel a été trissé, tandis que tout le monde clappait dans les mains : « Ba-ta-clan, Ra-ta-plan, Fé-ni-han, Fich’-ton-camp ».